La cuisine de cochon, dans les années 1960 en Saintonge, à Saint Simon de Pellouaille

La cuisine de cochon, dans les années 1960 en Saintonge, à Saint Simon de Pellouaille

            Texte : Claude LUCAZEAU

            La semaine précédant le tuage du cochon, il fallait faire bouillir les pots dans la poêlonne avec de la cendre, des herbes aromatiques : sauge, laurier, romarin, thym.

            Parmi les pots, il y avait ceux pour la graisse, ceux pour cuire les pâtés (les pâtissières), les pots pour recevoir le graton, le gigourit, les confits, les saucisses.

            Puis les plus grands récipients : les casseroles en terre, une grande jatte (terrine), la ponne (saloir), la poêle pour le sang et les grandes bassines.

            La veille de la cuisine, il fallait fourbir le chaudron en cuivre qui servirait à faire fondre la graisse puis à la cuisson des boudins et du gigourit.

            Puis arrive le tuage du cochon.

            C’est un voisin agriculteur qui avait appris cela avec son père.

            La veille, le goret devait jeûner.

            Le matin, on installait une litière de paille dans la cour et mon père enfonçait une barre dans le sol.

            Après avoir attrapé le cochon dans son toit, des cordes étaient fixées aux pattes arrières et à une patte de devant.

            Le tueur le faisait basculer sur le sol et les cordes étaient attachées à la barre.

            Pour nous, les enfants, c’était impressionnant de regarder tous ces gestes précis et l’attente, avec une certaine angoisse, du coup de couteau qui ferait gicler le sang.

            Quand tout était prêt, ma grand-mère s’approchait avec sa poêle en fer dont l’usage était réservé pour guetter le sang et sa bassine.

         Le couteau pénétrait dans la gorge. La poêle se remplissait de sang puis elle était versée dans la bassine et là, il fallait tourner pour éviter que le sang ne caille.

            La pauvre bête criait et tout le voisinage était averti du tuage du goret chez les Lucazeau.

            Le boucher fermait le trou au fur et à mesure qu’il fallait vider le sang. Les dernières gouttes de sang étaient amenées par des mouvements de la patte libre du cochon que le tueur manoeuvrait avec précision.

            Quand le goret était mort, ma grand-mère emportait le sang et sa poêle. Elle rangeait cette bassine dans le chai et ce sang servirait à la préparation des boudins, le surlendemain.

            Mon père et mon grand-père aidaient le tueur à détacher le cochon et enlever la barre. Il fallait maintenant le recouvrir de paille pour le faire griller. Quand il était grillé de ce côté, ils le retournaient et recommençaient de l’autre côté.

  Puis il fallait le laver et le gratter pour que la couenne soit belle. Le tueur utilisait un couteau ou un bout de tuile romane pour le racler. Mon père versait l’eau à l’aide d’un arrosoir et s’il versait trop vite, il le bouchait avec une sotille qui recouvrait un ongle de patte.

            Pour nettoyer l’autre côté, le goret était basculé sur le boyard qui servirait ensuite à le transporter.

        Quand il était bien nettoyé, la tête, les oreilles, le groin, etc…, il fallait soulever le boyard et le transporter, il fallait être costaud.

            Là, le tueur lui mettait un bois préparé à cet usage entre les pattes arrières, fixé à l’aide du nerf de ses deux pattes arrières et qui permettait à l’aide d’une corde de le suspendre au plancher. Un trou était pratiqué dans ce plancher car tous les ans, il servait. Dans le grenier, était installé un tour actionné à l’aide de deux barres et qui permettait de faire suspendre le goret.

            Là, le tueur commençait à l’ouvrir en deux. Il retirait le gras qui servirait à passer sur les scies à bûches. Puis mon père, dans le grenier, commençait à le faire monter.

            Ma grand-mère apportait alors un grand linge qui, appuyé sur les pattes avant et soutenu de chaque côté, allait recevoir tous les boyaux. Ceux-ci étaient alors transportés sur une table dans le chai.

            Le boucher retirait ensuite le foie, les poumons, le cœur, la langue et la « gorgère » et tout cela était suspendu par une ficelle à une pointe de la planche étagère.

            Mon père finissait de faire remonter le goret pour qu’il soit bien suspendu et qu’il s’égoutte. Un linge était lancé sur le haut entre les jambons pour éviter la poussière. Un bâton plus fin était planté d’une patte avant à l’autre pour qu’elles restent bien écartées. Là, il attendrait le lendemain, dans cet endroit froid.

            Puis le boucher se dirigeait vers le chai pour démêler les boyaux : les petits étaient détachés de la boule, les gros étaient aussi triés et le toile (péritoine) mise à part.

            Cette besogne terminée, c’était l’heure du déjeuner. Puis le tueur, qui avait aussi son exploitation agricole, nous donnait rendez-vous pour le lendemain matin pour le découpage du cochon.

            L’après-midi, ma grand-mère et moi, nous allions laver les boyaux ; d’abord les vider de leur contenu, puis les détourner. Tout cela, se faisait près du tas de fumier et les poules étaient très occupées. Puis les boyaux étaient mis à tremper dans l’eau tiède avant de les « riper » en fin de soirée.

            « Riper » les boyaux, c’était les débarrasser de tout ce qui constituait la flore intestinale. Ma grand-mère utilisait un brin de vime (osier) plié en deux et elle faisait glisser une longueur d’environ 1,50 m entre cette baguette souple, en trempant de temps en temps dans sa bassine d’eau. Il fallait le repasser 2 au 3 fois en augmentant la pression sur la baguette. Puis elle soufflait dedans et faisait échapper l’air pour constater la finesse du boyau. Puis il était retourné, enroulé et placé dans une assiette à calotte pleine d’eau en prenant soin de mettre une extrémité sur le bord de l’assiette.

            Tout ce travail se faisait pour les petits boyaux (intestin grêle). Il y en avait plusieurs mètres. Les moins bons serviraient pour les boudins et les plus fins pour les saucisses.

            Les gros boyaux étaient dégraissés, relavés et retournés. Les plus gros et droits serviraient pour mettre les andouillettes et les autres entraient dans la composition de ces andouillettes.

            Quand au chaudin (l’estomac), il avait bien trempé et il fallait le dépouiller, c’est-à-dire, enlever toute la peau interne. Ce n’était pas toujours facile et cela demandait du temps.

            Puis tous ces gros boyaux et l’estomac étaient suspendus à une planche pour égoutter et attendre leur destination. (planche : étagère suspendue au plancher et garnie de pointes).

            Le lendemain : découpage du goret.

            Dès que le voisin boucher, agriculteur, était arrivé, il fallait descendre le cochon du pendail. Mon père montait dans le plancher et il faisait descendre le cochon en ôtant une barre au tour tandis que l’autre barre le retenait et ainsi de suite.

            En bas, mon grand-père et le tueur avait placé le boyard au sol, bien en dessous du cochon pour qu’il s’y allonge et ils le tiraient vers l’avant grâce à ses pattes.

            Une fois bien placé là-dessus, le tueur le coupait en long de la tête à la queue avec sa ganivette et une scie.

            Nous récupérions la cervelle qui était placée dans une assiette. Puis il le coupait encore en deux : quart avant et quart arrière. Ces 2 quartiers étaient placés sur la bascule romaine pour en connaître le poids.

            Chaque quartier, ensuite, était transporté au fur et à mesure dans le chai, sur une table, pour être découpé.

            Peu à peu tout était bien disposé, le lard, la viande pour les boudins, celle des pâtés, les saucisses, les côtelettes, les rôtis, les confits, les jambons, la tête, les gros grillons, les os pour le salé et tout ce qui restait pour le gigourit (les os, les couennes, etc…)

  En même temps, les grands-parents et les drôles ont découpé la graisse en dés sur des couennes. Ces morceaux de lard étaient placés dans une grande terrine, la panne (gras auprès des reins) était mise à part. Tout cela attendrait ensuite au lendemain pour la cuisson ou être apprêté.

            Troisième jour : la cuisine

            La veille, au soir, le chaudron en cuivre avait été bien fourbi et mis à sécher devant le feu de cheminée.

            Tôt le matin, mon grand-père installait le trépied dans l’âtre. On versait la grande jatte de dés de graisse dans le chaudron, on y ajoutait un pichet d’eau et il était placé sur le feu qu’il faudrait alimenter régulièrement pour bien cuire cette graisse. Plus tard, on y ajouterait la panne et enfin la boule (graisse autour des boyaux). On remuait avec un grand bâton (le brassour). C’était le rôle de mon grand-père.

        Mon autre grand-mère et ma tante arrivaient à bicyclette. Maintenant, il fallait couper à la main, en gros dés, la viande réservée pour les boudins qui avait été prise dans la gorge. On y ajoutait des oignons et du persil. On y versait le sang pour obtenir un mélange assez liquide mais pas trop, puis l’assaisonnement : sel, poivre, épices Rabelais. On remuait bien dans le grand faitout. Puis on en déposait un peu sur un papier sulfurisé et on le faisait griller sur le gril sur la braise afin de pouvoir goûter et apprécier l’assaisonnement.

            Pendant ce temps, la machine à viande (le hachoir) était fixée à un bout de la table et il fallait mouliner toute la viande des pâtés et des saucisses, en tournant la manivelle. Cette viande était d’abord coupée en lanières.

            L’assaisonnement des boudins était bon. Alors deux personnes se mettaient à les enfiler. Il fallait remplir les boyaux assez mais pas trop et attacher chaque boudin à chaque bout. La longueur des ficelles de cuisine avait été préparée à l’avance en enroulant celle-ci autour de la main en croisant entre le pouce et le petit doigt écartés.

            La cuisson de la graisse se poursuivait et maintenant, on y mettait à cuire les gros grillons et les reins (rognons). L’allure du feu devait être surveillée et un peu de fumée envahissait la cuisine car le chaudron prenait beaucoup de place au-dessus du feu.

            Les boudins terminés étaient placés dans une grande bassine et attendraient leur cuisson dans l’après-midi. S’il y avait un petit bout de boyau, on y enfilait aussi un bout de la queue du goret et ce boudin-là était destiné à un voisin qui aimait bien faire des farces.

            Quand la viande des pâtés était hachée, on hachait aussi de la chair de lapins qui avaient été réservés pour améliorer ces pâtés. Puis il fallait assaisonner toute cette viande à pâté en mettant du gros sel, du poivre, des épices, des oignons échalotes et du persil, et on utilisait le même procédé que pour les boudins pour savoir si c’était assez. Nous, les drôles, on aimait bien manger cette viande cuite et chaude sur le papier, après que les cuisinières aient goûté et donné leur avis.

           Pour le poivre, ma grand-mère achetait du poivre en grain et mon frère et moi, nous devions le moudre avec un vieux moulin à poivre qui avait dû connaître plusieurs générations. Comme le tiroir était percé, on l’appuyait dans une assiette à soupe sur nos genoux. C’était dur à tourner pour des drôles de 10 ans !

            Puis les pâtés étaient préparé : on y ajoutait du vin blanc et de la goutte (eau de vie). Pour le vin blanc, c’était celui de la barrique.

            Ils étaient enveloppés de la toile (péritoine) et placés dans des pâtissières (des pots en grès ou en terre prévus à cet effet) et ils étaient enfournés dans le four de la cuisinière à bois. Sur le dessus de chaque pâté, étaient placées quelques feuilles de laurier. A mi-cuisson, ils étaient retournés puis bien tassés à l’aide d’une fourchette. La cuisson durait bien 2 bonnes heures.

            Après déjeuner, la graisse était presque cuite. Il fallait retirer les gros grillons et les rognons qui étaient assaisonnés d’un mélange : gros sel, poivre, épices préparé à l’avance dans une assiette à calotte. Le gros sel était écrasé sur une planche à l’aide du dos d’un grand couteau.

            La graisse était cuite. On pouvait tremper le doigt dedans sans se brûler. Le chaudron était descendu du feu et posé devant la cheminée. Les grands pots de grès avaient été mis à chauffer, la goule face au feu, auparavant. La graisse était filtrée grâce à un linge prévu à cet effet et qui servait d’année en année et les grands pots se remplissaient. Peu à peu, il fallait presser à l’aide de ce linge et la graisse obtenue était moins limpide. Ce qui restait dans le torchon servirait à faire le gratton et était déposé dans une grande bassine. Le gratton était remis sur le feu pour fondre encore doucement puis assaisonné avec sel poivre et épices. Puis le gratton était mis dans des pots de grès plus petits. Il serait conservé dedans, recouvert d’une couche de graisse, d’un papier sulfurisé et d’un couvercle en papier journal attaché d’une ficelle.

            Pendant ce temps, l’autre équipe s’occupait des saucisses : la viande était assaisonnée,

Toujours de sel, poivre, épices et on ajoutait du vin blanc. Il fallait bien malaxer pendant un bon moment. Pour goûter, on faisait la même chose dans le petit papier sur le gril. Puis on installait l’ouillette sur le hachoir : l’un y mettait la chair à saucisses et l’autre dirigeait les boyaux et tordait la cordée pour donner forme aux saucisses. Le soir, elles étaient suspendues à une perche accrochée au plancher, pour qu’elles sèchent.

         Dans le chaudron de graisse vide, on versait suffisamment d’eau et on le mettait sur le feu. On y jetait quelques pleines mains de gros sel. Dans cette eau frémissante, on y plongeait délicatement les boudions pour les faire cuire. Il ne fallait pas que ça bout. Là, apparaissait une vieille coutume : les cuisinières nommaient tous les cocus du village pour éviter que les boudins n’éclatent. Une sorte d’incantation autour du chaudron.

            Pour se rendre compte de la cuisson à point, les boudins étaient piqués d’une épingle, s’il ne sortait plus de sang, ils étaient cuits. Le chaudron était sorti du feu et posé à terre. Ma grand-mère le recouvrait alors avec son devanteau pendant un bon quart d’heure. Puis les boudins étaient sortis et posés sur un coin de la table, bien enroulés et ils étaient frottés avec une couenne bien grasse. Plus tard, ils seraient dégusté aux repas, distribués aux cuisinières, à la famille, aux voisins et le reste serait disposé dans un panier sur de la paille, accroché à la planche (étagère suspendue). La conservation ne durait pas longtemps. Il n’y avait pas de réfrigérateur et encore moins de congélateur.

            Puis on passait à la préparation des andouillettes.

            Un peu de chair à pâté avait été réservée. La langue avait été mise à bouillir pour la peler. Quand la machine à viande était disponible, on hachait les gros boyaux, l’estomac, la langue, des couennes, du blanc de poireaux, de l’ail, des oignons, du persil.

            Tout cela était bien mélangé, assaisonné. On y ajoutait du vin blanc et de la goutte. Les andouillettes étaient enfilées dans les gros boyaux les plus jolis qui avaient été gardés à cet effet. Ils étaient ficelés pour faire des andouillettes d’une longueur convenable et ces ficelles permettraient de les accrocher à la planche pendant quelques jours. Trois ou quatre jours plus tard, comme la plupart des ingrédients étaient crus, ma grand-mère les faisait cuire dans une bassine d’eau frémissante salée. De temps en temps elle les piquait et quand elles étaient assez cuites, on les accrochait à nouveau à la planche où elles se conserveraient pendant quelques semaines. On les consommait grillées sur la braise dans la cheminée et là, il se dégageait un fumet extraordinaire.

            Le jus du boudin était versé pour partie dans la marmite à soupe et il servirait le lendemain à faire une bonne soupe de légumes avec des poireaux, des pommes de terre, des carottes, des navets qui allaient bouillir dedans. Ce bouillon ferait une bonne soupe au pain.

            Le reste du jus de boudins servirait à cuire la sauce de pire.

            La journée s’achevait, il fallait faire la vaisselle, ranger, nettoyer. Puis c’était le temps d’aller traire les vaches, soigner les lapins et les poules.

            Après le dîner, ma grand-mère s’occupait de préparer le salé. La ponne (le saloir) avait été mise à chauffer devant la cheminée, la goule vers le feu.

            Elle avait trié de belles couennes, les morceaux de jarrons, de bons os avec de la viande. Tout cela était disposé dans la ponne : d’abord une couche de sel puis la viande, couenne feuilles de laurier, sel à nouveau et ainsi de suite. Chaque couche de viande, couennes correspondait à une potée. Un linge blanc était placé sur la ponne puis son couvercle. Elle était transportée dans le chai, dans un endroit frais.

Le jour suivant :

            On commençait par préparer la sauce de pire. Tous les os qui restaient et les os de lapin étaient fait frire dans la poêle puis mis dans le chaudron avec le reste du jus de boudin. Le foie était haché, frit puis ajouté ; les poumons aussi. Les couennes qui restaient, étaient aussi rajoutées après avoir été hachées, puis tous les petits résidus de viande. Rien n’était jeté, sauf ce qui n’était pas consommable. On y ajoutait un bon plat d’oignons échalotes, du thym du laurier, du persil et on couvrait de vin rouge : moitié vin, moitié eau. Tout cela allait mijoter une partie de la journée sur le feu de bois dans la cheminée, avant d’être « désossé ».

            Quand tous les os étaient enlevés, on remettait à cuire sur la cuisinière à bois, on assaisonnait et cela pouvait encore cuire assez longtemps. Ma grand-mère appelait cela : sauce de pire car effectivement les deux pires entraient dans sa composition : le foie et les poumons.

         Cette sauce de pire était mise ensuite dans des pots en terre, recouverte d’une couche de graisse et de papier et elle se conservait un certain temps dans le « débarras » sur des étagères.

            La tête :

            Après avoir été mise à dégorger, on la faisait bouillir avec des herbes. Après une bonne cuisson, on retirait tous les os et on passait tout ça à la machine à viande. On obtenait un pâté de tête qui était ensuite assaisonné. Puis il était placé dans des bocaux et ensuite stérilisé : c’était le début de la stérilisation ! Ma grand-mère conservait toute cette goraille comme elle l’avait toujours fait, et sa mère avant elle.

            La cervelle :

            Ma grand-mère faisait une petit sauce de cervelle : elle faisait frire quelques bouts d’os : des bouts de côtes. Elle y ajoutait des oignons, puis la cervelle et le mœlle épinière, elle recouvrait d’eau et de vin blanc et venait ensuite le bouquet garni et l’assaisonnement. Cela mijotait doucement dans la casserole en terre sur le fourneau à braises (chaufferette).

            Les côtelettes :

            On en faisait pas énormément car on ne pouvait pas les conserver longtemps. C’était calculé pour les distribuer : cuisinières, famille, voisins, l’instituteur. Le reste de cette viande : c’étaient les confits. Ils cuisaient dans la graisse puis ils étaient conservés dans des pots en grès, recouverts de graisse puis de papier et rangé dans un placard d’une pièce fraîche.

            Les rôtis :

            Ils étaient cuits au four de la cuisinière à bois. On les piquait avec une paille du balai pour voir s’ils étaient assez cuits. Ils étaient aussi conservés dans des pots recouverts de graisse.

            Les saucisses :

       Quand elles étaient bien sèches, ma grand-mère les plaçait par douzaines a peu près dans des pots en grès et elle les recouvrait d’huile : de la bonne huile d’arachides qui s’achetait au détail. Le marchand ambulant (coop) vous remplissait votre bouteille en verre à l’aide d’une pompe sur son baril.

            Puis un couvercle en papier était attaché sur ces pots.

            Après toutes ces journées de goraille, les planches de cette cuisine se garnissaient de pots de gratton, de pâtés, de graisse, de confits, de rôtis. Les andouillettes étaient accrochées et encore quelques saucisses, le panier à boudins d’où dépassait la paille. Dans le placard, les pots à saucisses ; dans le débarras, les pots de sauce de pire et les bocaux de pâté de tête.

            Il faut imaginer tous ces pots recouverts de leur papier de journal attaché avec une ficelle. La conservation n’était pas toujours de longue durée. Il faut dire que c’était dans la cuisine où nous ne vivions pas.

            Les jambons :

            Ils avaient été suspendus à la « cadène » du plancher et ils étaient bien égouttés.

            Il fallait les saler. C’était le rôle de mon grand-père. Il utilisait une recette de salage à chaud qui leur avait été donnée par un voisin originaire de la Vendée et dont la famille était employée dans une ferme.

            Le jambon pèse en général, le dixième du poids du goret. On préparait alors le dixième du poids du jambon en gros sel, puis du poivre, des épices, du laurier, du thym, du romarin, 1 verre de vinaigre et du salpêtre. Tout cela est placé dans une vieille casserole en terre (qui ne servait que pour cela) et mis à chauffer sur le fourneau de braise en remuant très souvent.

            Le jambon est placé sur une table dehors, devant la porte. Quand la préparation est très chaude, on en verse une partie sur le jambon et on frotte énergiquement même si on se brûle. On peut s’aider d’un morceau de tuile pour frotter et écraser le sel pour qu’il pénètre.

            Le reste de la préparation est remis sur le feu et on recommence 2 ou 3 fois sur le devant et sur l’arrière, côte couenne. Puis on enveloppait le haut du jambon avec le nerf et une poignée de préparation et on ficelait bien. Puis le jambon était transporté dans le débarras, il est posé sur une planche légèrement en pente. On place dessus tout le reste de la préparation bien réparti, un peu plus sur la partie épaisse. Il restait ainsi une dizaine de jours, un peu plus longtemps si le temps était sec.

           Après ce temps, le jambon est lavé au vin blanc et il est accroché à la cadène et il faut aérer le plus possible. Il faut surveiller les mouches et enfin, il est enveloppé dans un sac de toile fine. Il sera bien à point au bout de quelques mois.

            Pour conclure, nous avons conservé la plupart de ces ustensiles et de ces récipients. Nous cuisinons encore le goret et nous procédons encore de cette façon. Cependant, les bocaux et le congélateur permettent une conservation plus efficace.

 

                                                                                    Claude LUCAZEAU (Février 2009)